Allons « enfants de Paris » !
by Valérie Marin La Meslée
« Les plaques sont des empreintes gravées de ce qui a été grave, et qui le demeure », écrit le graphiste Philippe Apeloig dans le texte introductif de son beau livre, un épais pavé de Paris. Chaque page reproduit les plaques de mémoire laissées en souvenir des résistants et des enfants que la guerre de 39-45 a emportés, à 20 ans, plus ou moins, lors de combats, sous l’occupation ou à la Libération.
Ici la maison où certains vivaient, où d’autres sont tombés, là un pan de mur avec ces mots dont le typographe décrit le corps avec amour. Apeloig, fils d’Ida, et qui écrit si bien sur sa mère, est l’héritier de l’engagement de cette dernière pour la mémoire de leur famille juive venue de Pologne.
Si sa carrière a commencé avec l’inoubliable affiche de l’exposition Chigaco au musée d’Orsay, poursuivie avec la signalétique du théâtre du Châtelet, puis du Louvre Abou Dabi, Apeloig avait aussi travaillé pour le Musée d’Histoire et d’art du judaïsme. Mais il ne s’était jamais approché aussi près de l’histoire des siens. Peu à peu, comme il le raconte dans ce livre, et s’entourant d’une petite équipe pour cerner le territoire de la capitale, il a sillonné Paris, photographié, classé, trié et conçu cet objet qui capte la parole des pierres, l’émotion d’une formule, d’un destin caché sous un nom inconnu.
À « Peyrot, ses camarades du Métro Port d’Ivry », à « Yvette Feuilly, sergent FFi », rue des Rosiers, à cet anonyme « patriote français inconnu » rue Ordener. Aux illustres, de Pierre Seghers à Romain Gary en passant par Vercors. On ne peut plus se promener dans Paris de la même façon après avoir tourné ces pages, qui éclairent autant les présents que les absents. De ce livre émane la beauté d’une véritable « œuvre » de transmission. Et même en période de fêtes, lesquelles sont une manière de célébration, c’est un bien beau cadeau à faire.