Destins gravés au fil des plaques
by Marie Sarah
A l’occasion de la dernière Commission du Souvenir, les membres ont pu découvrir l’extraordinaire travail de Philippe Apeloig à travers une présentation de son ouvrage, Enfants de Paris, 1939-1945.
Bien plus qu’un livre en réalité… 1120 pages habillées de la totalité des plaques commémoratives de Paris, pour la période 1939-1945*. Des centaines de destins gravés dans la pierre, immortalisés par le designer graphique et plasticien Philippe Apeloig.
Dès le début de son intervention, Philippe Apeloig précise qu’il s’agit là d’un ouvrage artistique, et non d’un document historique. L’initiative artistique et la qualité esthétique de son ouvrage, nous le comprenons, sont centrales pour le plasticien.
Philippe Apeloig part d’un postulat simple : il est possible de se recueillir autrement qu’à travers les formes traditionnelles que l’on connaît. Inspiré notamment du Vietnam Veterans Memorial de Washington de Maya Lin, un projet artistique autour de « la politique du nom » prend forme.
« Pour réaliser l’ambitieux travail de rassembler en un ouvrage les plaques commémoratives de Paris, il a d’abord fallu les répertorier. » explique Philippe Apeloig. « Avec toute une équipe, nous sommes ensuite partis dans Paris, à la recherche de ces plaques et les avons photographiées » poursuit-il. Philippe Apeloig a choisi d’utiliser un classement par arrondissement de la capitale. Ainsi, le livre est composé de 20 grandes parties, chacune répertoriant les plaques de l’arrondissement en question.
La plaque commémorative comme un objet d’art
Notre invité nous explique avec la minutie de l’artiste à quel point l’approche esthétique a été importante dans ce travail avec les plaques, vues ici comme objet artistique à part entière. « Nous nous sommes intéressés à leur taille, les matériaux qui les composent, leurs couleurs, leurs insertion dans le mur, et à toutes leurs particularités ». Dans cette même démarche, Philippe Apeloig précise le soin qui a été apporté au travail de photographie afin de rendre compte le mieux possible de l’unicité de chacune des plaques et de l’environnement qui les entourent. Sur certains murs de Paris, les équipes de Philippe Apeloig ont parfois découverts des empreintes, derniers témoins d’une plaque désormais manquante. Au moment de l’édition du livre s’est posé la délicate question de la typographie à utiliser pour les textes de l’ouvrage. Le choix de Philippe Apeloig s’est finalement porté sur le mélange de deux typographies, l’une française, l’autre allemande, un symbole évident qui s’est imposé à l’artiste.
Si les murs pouvaient parler…
Ils nous parleraient des actes de courage, des destins tragiques ou des vies sacrifiées, mais parfois aussi des souvenirs d’une enfance écourtée. C’est de tout cela qu’ils sont habillés. C’est de tout cela dont parle ces plaques commémoratives du livre de Philippe Apeloig.
Sans être happé par une classification thématique, le lecteur découvre au fil des pages – comme une invitation au voyage – les noms, les dates et les histoires de ceux que la France a perdus. Familles juives déportées, résistants dénoncés, communistes arrêtés, tous ceux qui ont payé de leur vie la bêtise, l’ignorance et la haine des années 1939-1945 ont trouvé leur place dans l’immense ouvrage de Philippe Apeloig. Désormais, le pas pressé des Parisiens ralentira sa cadence devant ces plaques, au détour d’une rue ou au hasard d’un passage…